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La Religion, de Tim Willocks

Hémoglobine, paires de gambettes et fanatisme, quoi de plus banal.


Aaaah qu’il est dur de tenir un blog à jour. Ce n’est pas le temps qu’il me manque, mais plutôt la motivation. Pourtant il me suffit de démarrer une nouvelle page et je suis increvable, un peu comme le petit lapin Duracell (toute autre analogie aux lapins est proscrite).

Pour m’apporter son soutien, mon félin s’est perché à côté de moi sur un sac Kid Paddle et me regarde avec des yeux qui expriment tout le support du monde, ou peut-être une simple envie de gratouilles, ou une envie de bouffer mes doigts qui filent sur le clavier, je ne sais pas.

La preuve en image et en slow motion

A part mes lectures BD qui vont bon train (non pas Kid Paddle, j’ai juste pris un sac pour glisser dedans du Maliki, du Freakangels et Car l’enfer est ici, mes lectures de ce soir), mes lectures de romans s’étirent à n’en plus finir. Bon, peut-être est-ce dû au fait que j’en commence toujours trois en même temps et que j’ai un penchant pour les pavés.


J’ai quand même réussi à venir à bout du Tim Willocks tout juste sorti en poche (Pocket), j’ai nommé Ze pavé : La Religion. Un bon millier de pages bien dense qui porte à la fiction un évènement majeur de l’histoire de l’île de Malte et une bataille importante dans la guerre des religions. Au XVIème siècle, l’empire Turc Ottoman s’empare progressivement de toute la méditerranée, repoussant la chrétienté déjà bien malmenée par l’arrivée du protestantisme à l’intérieur des terres du continent.
Pour sauver la face et empêcher la religion musulmane de s’étendre, Charles Quint offre l’île de Malte à l’Ordre religieux des Chevaliers de la Saint Jean (La Religion), qui va devoir défendre le territoire contre 138 galères turques menées par l’empereur Soliman II. Lui qui pensait prendre l’île en l’espace de cinq jours, le siège va durer deux mois durant lesquels vont êtres  perpétrés des actes d’une barbarie absolue dans chacun des deux camps.

C’est dans ces conditions que Tim Willocks met en scène son héros, Matthias Tannhauser, un hongrois enlevé à sa famille par les turcs dans son enfance, devenu janissaire dans l’empire de Soliman, puis lassé de batailles, un prospère commerçant (d’armes et d’opium !) de Messine. Guerrier redoutable, important stratège pétri de nombreuses connaissances concernant l’empire Turc dans lequel il a été élevé, il est convoité par La Religion qui espère le faire venir à Malte pour un meilleur espoir de victoire contre les turcs. Mais Tannhauser ayant abandonné son statut de guerrier, et n’embrassant absolument aucune cause autre que l’or et les femmes, refuse d’être impliqué là-dedans. C’est par la ruse que la Religion va le faire venir à Malte, usant de sa faiblesse pour la gente féminine en lui présentant la magnifique et éplorée Comtesse de La Penautier, qu’une affaire importante pousse à retourner sur l’île de Malte alors que la guerre approche.





Bon, je dois d’abord dire que j’ai beaucoup aimé. Même si tout n’est pas bon à mon goût… En fait, et d’habitude j’aime que tout roman bien sombre et sanglant soit quand même agrémenté de bons sentiments, et bien je n’ai pas vraiment aimé cette histoire d’amour étriquée qui lie Tannhauser à madame La Comtesse (ainsi qu’à sa demoiselle de Compagnie, un espagnole au nez cassé mais apparemment à la poitrine exagérément généreuse et aussi idiote et douce qu’un Rossignol). Ce triangle amoureux (ou bien ces deux décolletés plongeants) n’est pour moi pas une raison assez percutante pour qu’un homme aille se suicider avec son meilleur ami (il emmène bien sûr son plus proche et fidèle comparse, un anglais sauvage et à l’humour bien gras du nom de Bors, personnage que j’adore réellement !) sur les rivages de Malte face à une armée à priori imbattable. Bon, l’histoire à démontré que finalement cela à marché, mais à quel prix...

Donc, c’est l’amûûûûûûr qui fait que Tannhauser se démène comme un beau diable dans ce bourbier d’hémoglobine et s’en va taillader du Turc. Il fait bien-sûr part de son savoir à l’éminent chef de la Religion, La Valette (personnage bien réel et figure emblématique de cet épisode de l’histoire) et c’est en partie grâce à lui que le siège a pu durer autant de temps ! Je trouve que c’est beaucoup pour un seul homme, mais ce fait improbable passe comme une douceur grâce au personnage de Tannhauser. Bon, son penchant très prononcé pour les femmes (et l’opium !) s’explique d’une façon un peu légère (il a perdu ses sœurs et sa mère durant son enlèvement par les turcs et donc il respecte intensément les femmes et est un traumatisé de la vie), mais sa personnalité du genre guerrier mode on/mode off, m’a beaucoup plus. Il a l’étoffe de ces héros qui n’en sont pas réellement, de ceux que la vie a tellement piétiné qu’ils ne cherchent même plus à comprendre ce qui est bien et mal, mais juste ce qui est bon pour eux. Il est totalement perdu, parfois complètement psychopathe, avec une étincelle d’humanité qui le rend malgré tout touchant. Bref, encore un personnage complexe que j’apprécie, même si certaines de ses actions restent pour moi un mystère.

Ce qui fait pour ma part la force du roman ce sont les récits de batailles et les descriptions d’une cité assiégée qui petit à petit se voit vouée à la défaite et à la mort de tous ceux qui l’occupent. Tim Willocks dépeint très bien l’état d’esprit des différents personnages au cœur de l’action, lorsque les jets de sang pleuvent et les blessés hurlent de douleur, quand le désespoir prend le pas sur le courage.  Certains passages sont parfois durs à soutenir, et quand une bataille se déroulait sur dix pages bien crues et bien déprimantes, j’ai parfois dû faire une petite pause contemplation des zoizillons et du ciel bleu avant de pouvoir replonger dans l’enfer qui est décrit.

J’ai aussi été heureuse de découvrir un fait historique que je ne connaissais pas. Je ne me souviens pas qu’on m’ait vraiment parlé de ce tournant dans l’histoire de la poussée de l’empire Ottoman. Après, c’était peut-être à un moment de mon cours d’histoire où je dessinais hardiment sur mon cahier des Hobbits et des Nazguls, même si j’ai toujours aimé suivre les cours d’Histoire (c’est comme la lecture, c’est pleins de drames et de petites ou grandes victoires, pas pour rien que ça fait les meilleures séries sur Canal +).


/!\ Je me rends compte que j'ai oublié de parler de l'aspect religieux du livre, qui se nomme quand même La Religion, et pas pour rien ! C'est très intéressant de voir que le héros de ce livre est un homme qui a adoré deux divinités avant de les rejeter en masse après avoir vu ce que l'homme est capable de faire au nom de Dieu ou d'Allah. Finalement il se bat pour une certaine humanité et non pour une religion, et le fanatisme des chrétiens et des musulmans est très bien dépeint à travers sa vision du carnage. Ni l'un ni l'autre n'est pointé comme le "méchant" dans le roman, chacun se bat juste pour sa foi et, dans leur esprit, pour garder leur âme. Chrétiens et musulmans sont prêts à devenir des martyrs pour sauver leur religion, ce qui est très effrayant dans le roman. La dévotion aveugle de La Valette et de ses chevaliers, qui sont sans peur car ils savent qu'ils finiront au paradis est la même que celle qui soutient les janissaires turcs, prêts à mourir pour Allah. Willocks tourne ça aussi différemment en poussant Matthias vers deux femmes dont l'une (la Comtesse) est extrêmement religieuse et l'autre (la jeune femme qui l'accompagne) qui ne comprend rien aux affaires de la religion et suit sa maîtresse et Tannhauser à Malte seulement par amour, se souciant comme d'une guigne des horreurs perpétrées sur les remparts et sourde à la ferveur religieuse qui tient la ville en haleine.
Bref, moi-même je n'ai jamais compris la barbarie déployée par les religions (en général) pour témoigner son appartenance à un dieu, et j'ai trouvé intéressant la manière dont cette confrontation a été abordée.

Bon, donc, si vous êtes comme moi à préférer l’action aux belles histoires romancées, occultez les passages trop mièvres du livres, qui je vous rassure ne sont pas majoritaires dans ce roman, et jouissez du reste avec bonheur ! Après avoir refermé le livre, je suis restée un moment perdue en 1565… et c’est cette perte dans un autre temps qui me prouve toujours qu’un livre m’a profondément marqué. Conseillé, donc =).

Et puis en voilà un autre de fêlé du ciboulot que l'amûûûûûr pousse à la folie, le héros de Drive dont je me passe la BO en continue depuis visionnage. Donc je partage !

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